Note d’Intention

OGRES

crédit photo : Geoffrey Fages

« 28 scènes, 14 destinations, plusieurs temporalités et une trentaine de personnages pour un ensemble de 5 acteurs, permettant de faire entendre des points de vue différents et subjectifs (ceux des victimes, des agresseurs, des familles, des témoins…) qui, réunis dans un espace commun, parviennent à former une parole chorale.

Depuis 2010, je mets en scène des fables qui traitent de questions de société, de sujets politiques et sociaux, afin d’interroger les notions de normes sociales, d’identité et de liberté. Venant d’un pays, la Roumanie, qui a vécu pendant plusieurs décennies sous un régime dictatorial, j’appartiens à la génération qui s’est construite sur la chute de ce système et qui en porte l’héritage : un carcan idéologique qui imposait une pensée unique.

De fait, ma démarche artistique est de donner voix à des individus anonymes, des non-héros qui n’appartiennent pas à la majorité et qui n’adhèrent pas à la « culture dominante ». Je souhaite construire un théâtre ouvert aux voix minoritaires, à ce qui est en marge, aux révoltes contre des systèmes qui oppriment nos initiatives afin d’affirmer notre liberté d’expression. J’ai souhaité que ce spectacle devienne un manifeste pour la liberté et créer ainsi un dialogue sincère avec le spectateur permettant à la catharsis de s’opérer.

Ogres ouvre à un monde fantastique dans lequel les personnages cherchent leur identité individuelle et sociale. J’ai eu le désir de situer Ogres dans l’espace de la forêt : lieu de l’agression de Benjamin, mais aussi espace symbolique du conte, des peurs et des interdits. Également espace-jungle, où l’individu se perd et est livré à lui-même, lieu de solitude mais aussi échappatoire possible. Cet espace de la forêt unie toutes ces histoires, tous ces pays, et leur donner une résonance universelle. Donner à écouter et à entendre ce qu’il se passe, inviter le spectateur à prêter l’oreille : c’est aussi l’histoire de gens qui ne parlent pas, qui taisent leurs douleurs.

J’ai souhaité jouer sur des plans qui se croisent, faire coexister des situations ou univers apparemment opposés : introduire le spectateur dans des zones de turbulences, de troubles, et questionner ce qui est représenté sur scène, activer le regard critique du spectateur, interroger ainsi nos normes et nos valeurs, nos représentations. Donner une forme de spectacle de « reconstitution » afin de mieux déconstruire la pensée aisée.

Ogres est un conte sur l’urgence de faire preuve d’une plus grande ouverture face aux minorités, une proposition de casser les murs entre les territoires pour aller vers l’inconnu, l’accepter, l’approcher. Yann Verburgh nous propose une introspection au cœur de notre for(êt) intérieur(e), endroit inondé par des préjugés, des schémas et des « ogres » qui prennent le pouvoir sur nous. Ces histoires nous invitent à creuser dans notre sensible, vers une meilleure écoute et appréhension de nos proches, indifféremment de leur orientation sexuelle. »

Eugen Jebeleanu

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