NOte D’INTENTION

ITINÉRAIRES
un jour le monde changera

crédit photo : Jean-Louis Fernandez

« En 1994, mon père quittait la Roumanie pour aller travailler en Allemagne en vue d’une vie meilleure pour lui et sa famille. Peu de temps après, suite à un choc traumatique, il est revenu au foyer familial avec un autre regard sur le monde, oubliant son rêve d’Occident et ses projections sur la liberté européenne. Ce moment a été déclencheur d’une nouvelle construction identitaire pour lui ainsi que pour les membres de ma famille.

Je vis aujourd’hui entre la France et la Roumanie et je me construis sur les gravas du passé, ceux de ma famille et ceux de mon pays mais avec la conviction qu’une possibilité de créer des ponts entre ces deux cultures est encore possible, au-delà des préjugés, des limites et des jugements de valeurs. ITINÉRAIRES un jour le monde changera est pour moi un projet comme une réponse nécessaire à tous ces questionnements sur le monde d’aujourd’hui.

Au vu des grands mouvements de manifestations qui ont lieu en Roumanie et en France et qui représentent, aujourd’hui, les plus amples contestations populaires en Europe, j’ai envie de donner voix à une troupe d’acteurs en lutte pour ses droits et sa place dans un monde plus juste.

Mon travail de metteur en scène m’a conduit ces dernières années à travailler en Roumanie, en France et en Allemagne, au coeur de trois cultures différentes, dirigeant des actrices et des acteurs dans trois langues différentes. J’aimerais aujourd’hui réunir ces univers et ces langues sur un même plateau dans le but de faire naître un langage commun, celui d’une diversité au sein de laquelle les langues se confronteront, se comprendront et se répondront. Pour cela, je vais réunir des acteurs de nationalité roumaine et française pour créer un théâtre européen, qui aura pour ambition de délivrer une image sensible de ces altérités qui nous construisent.

Je souhaite que ce spectacle soit un spectacle sur les frontières intimes et les combats contre des systèmes qui nous oppressent. Ce projet est un acte de résistance face à des préjugés et des discriminations latentes entre les peuples d’Europe et représente pour moi un geste artistique fondamental autant qu’un manifeste nécessaire : la promotion de la diversité dans l’art. En jouant avec les codes théâtraux et les conventions, j’aimerais créer un théâtre de l’empathie qui éveillera chez le spectateur un esprit critique. À travers ces histoires, entre fiction et réalité, au carrefour de cinq langues (roumain, français, allemand, anglais et berbère) nous parlerons de l’Europe d’aujourd’hui, en cassant les codes de représentation et de la convention théâtrale. »

Eugen Jebeleanu