
Parce que les homosexuels risquent la pendaison en Iran, parce qu’au Brésil malgré le mariage pour tous les assassinats se multiplient, parce qu’en Russie les assistantes sociales n’ont pas le droit d’évoquer le sujet avec des jeunes désemparés, parce qu’en France dans les cours de récré ou les stades de foot « PD » est une insulte couramment utilisée, la pièce de théâtre « Ogres » s’empare d’un sujet encore brûlant un peu partout sur la planète. Celui d’une identité sexuelle rejetée voire criminalisée.
« Ogres » écrite par Yann Verburgh à la suite des manifestations contre le mariage pour tous a pris pour fil rouge l’abominable et tragique histoire d’un jeune instituteur (Benjamin dans la pièce) torturé et laissé pour mort il y a une dizaine d’années en forêt des Essarts près de Rouen. Ce fait divers sordide, l’auteur l’a choisi « parmi 300 cas recensés partout dans le monde. À partir de ces faits j’ai glissé vers la fiction. Ce qui m’a intéressé, c’est la vie après l’agression, la résilience possible. Dans mon texte, on voit que le chemin de l’engagement permet de sortir du repli et de la honte, à travers l’amitié qui va naître avec un militant LGBT ».
Trente personnages
Dans ce panorama sombre qui parcourt 14 pays, l’auteur cherche des raisons d’espérer. «Il y a ce lycéen de Sotchi qui résiste et se filme sur Youtube alors qu’explose le taux de suicide chez les jeunes homos en Russie. Il y a ce couple iranien qui va être pendu mais dont je raconte l’histoire à l’envers jusqu’à leur première rencontre pour évoquer leur amour. Je n’ai pas voulu faire une pièce de niche LGBT mais bien un état des lieux entre2008 et2014 qui raconte des choses qui parlent à tous.» Et Yann Verburgh est d’autant plus fier que sa pièce voyage dans des pays pas faciles comme la Turquie ou le Liban. À ses côtés, le metteur en scène roumain Eugen Jebeleanu a voulu « rendre ces histoires sensibles. Cela à travers deux ambiances: celle de la forêt qui en fait symbolise l’univers mental de Benjamin, ses peurs, tout ce qui le hante avec ces ogres qui le dévorent. Et il y a aussi un espace réaliste, l’intérieur simple du jeune homme. Les cinq acteurs doivent donner vie à trente personnages, par un jeu incarné où passe la vulnérabilité sans pathos, où s’incarne la dignité de ces gens qui sont des héros.» Et pour encore mieux souligner cela une musique a été composée dans l’esprit d’une bande originale de film.